Le Capital Market Day (CMD) du 14 juin 2022 avait officialisé le lancement du projet de scission qui occupe en ce moment tous les esprits. Un an plus tard, nous attendons l’édition 2023 pour écouter nos dirigeants faire le point. Cette journée est prévue le 7 juin.
Autre date clé : l’assemblée générale des actionnaires (AG). L’AG qui se tient traditionnellement mi-mai chez Atos, a apparemment été repoussée autant que possible et ne se tiendra cette année que le 28 juin.
Le Capital Market Day (CMD) fait des annonces (et essaye de rassurer les marchés), l’Assemblée Générale (AG) d’ATOS vote des résolutions : Composition du conseil d’administration, rémunération des administrateurs et des dirigeants, approbation des comptes, rachat d’actions, vote des dividendes … et on pourrait légitimement voir figurer une résolution pour valider ou non la scission du groupe. Or, les curieux qui se sont rendus sur le site Investisseur d’Atos auront beau chercher, aucune résolution de la sorte n’est mise au vote cette année. L’année dernière non plus. Etonnant, non ?
Et le conseil d’administration (CA) d’ATOS, que fait-il ? Un peu ce qu’il veut en fait, sous la haute autorité de Bertrand Meunier, président du conseil depuis le départ de Thierry Breton et cible de certains actionnaires qui souhaiteraient le démettre au plus vite. Petite anecdote : avant de devenir président du CA, Bertrand Meunier a longtemps été président du comité des nominations, ce qui signifie qu’absolument tous les administrateurs actuels (hors représentants des salariés) lui doivent d’une manière ou d’une autre leur présence au sein de ce conseil. Difficile de douter que le vrai pilote, c’est Bertrand Meunier.
Et curieusement, malgré des résultats qui se dégradent régulièrement, Bertrand Meunier et son conseil d’administration survivent aux AG d’actionnaires d’années en années et prennent des décisions structurantes sans rencontrer d’obstacles. Mais comment font-ils ???
- Mai 2021 (AG). Les actionnaires constatent les résultats en demi-teinte d’Atos, renouvellent le conseil d’administration dont Bertrand Meunier est président depuis fin 2019.
- Juillet 2021 : Nouveau profit warning plutôt prévisible (le 3e en un an) : les prévisions sont revues à la baisse et les marchés n’aiment pas ça. Le Conseil d’Administration aurait-il été renouvelé si les actionnaires avaient eu l’info en mai ?
- Octobre 2021 : Ça va mal et ça se voit (Au final, le déficit 2021 sera de 215M€). L’action est en chute libre. Le CA vire Elie Girard, alors DG, et nomme comme remplaçant Rodolphe Belmer.
- Mai 2022 (AG) : Il aura fallu peu de temps pour que B. Meunier regrette son choix et entre en conflit avec R. Belmer sur la stratégie à adopter pour sortir Atos de l’ornière. Pourtant, le conflit entre B. Meunier et R. Belmer est passé sous silence, Elie Girard a servi de fusible, le premier trimestre n’a pas été bon mais on évite de trop en parler. Les actionnaires rassurés renouvellent encore le conseil d’administration …
- Juin 2022 (CMD) : Un projet de scission, clairement destiné à retrouver des financements, est annoncé. TFCo (New Atos) est officiellement le mauvais élève qui doit être sauvé, SpinCo (Eviden) la machine à cash pleine d’avenir qui remboursera les milliards nécessaires au redressement. Le conflit entre le président du CA (B. Meunier) et son DG (R. Belmer) éclate au grand jour. R. Belmer présente le projet de scission auquel il ne croit pas et dans la foulée annonce sa démission.
On ne connaitra jamais les différents projets de R. Belmer retoqués par B. Meunier, ni qui, de Bertrand Meunier ou de Rodolphe Belmer aurait gardé son poste si un vote avait eu lieu en AG un mois plus tôt.
- A compter de juin 2022 : Le calendrier du projet de scission est arrêté et les différentes étapes commencent à être déroulées, les salariés découvrent au fil de l’eau et dans un grand désordre ce qui va leur arriver. Les marchés sont toujours loin d’être rassurés, l’action continue à baisser. Aucun vote n’a jamais eu lieu.
En entrée du CMD du 7 juin 2023, les résultats déjà observés sont bien différents des hypothèses du plan de scission d’il y a un an. TFCo (New Atos) se redresse bien plus vite que prévu et retrouve une rentabilité avec plusieurs années d’avance. SpinCo (Eviden) a plus de mal, n’est pas au RV de la marge escomptée et pourrait avoir du mal à rembourser la dette. Les sessions d’actifs nécessaires pour compléter le financement n’ont pas permis de trouver les 700 M€ annoncés. Ce n’est évidemment pas ce qui sera présenté le 7 juin… puisque cette séance sera dédiée à TFCo.
Plusieurs petits actionnaires (Atos n’a plus de « gros » actionnaires) jugent que Bertrand Meunier est le premier responsable des difficultés actuelles de la société. Certains doutent également de la pertinence de la scission que Bertrand Meunier et ses alliés au CA continuent à pousser. La résolution que l’un d’entre eux (Sycomore, 1% des actions Atos) a proposée, visant à destituer Bertrand Meunier de son poste de président du CA a tout simplement été rejetée par le CA et ne sera donc pas votée. Il n’y aura apparemment pas non plus de vote à l’occasion de l’AG du 28 juin pour confirmer si la scission doit aller à son terme.
Le 28 juin 2023, il y a fort à parier que le conseil d’administration s’en sorte bien cette fois encore.
Pendant un an, Bertrand Meunier aura fait ce qu’il voulait alors que la scission qui nous impacte toutes et tous … n’est toujours pas votée.
Le plan de scission sera présenté comme quasi-achevé, donc difficile à remettre en cause plus tard, lorsqu’il sera question de procéder à la toute dernière étape qui rendra définitivement les deux groupes indépendants. Et pour cause, tout a été fait à marche forcée ! Le 1er juillet Atos SE détiendra deux « sous-groupes » officiellement bien détourés (New Atos et Eviden), dont l’un (Eviden) devra être plus tard introduit en bourse ou vendu pour renflouer les caisses, coupant ainsi définitivement ses liens avec Atos. Evidemment, le CA et les actionnaires devraient préalablement voter mais qui prendra le risque de remettre en cause une scission coûteuse et quasiment achevée ?
Atos est un cas d’école qui sera enseigné dans toutes les universités dans quelques années pour illustrer ce que la technocratie peut donner comme résultat : un président qui n’a jamais eu de fonctions exécutives dans sa vie et qui prend la présidence d’un groupe CAC40, un conseil d’administration dont au mieux 3 membres peuvent se targuer de disposer de compétences technologiques, une DGA en charge des projets stratégiques qui n’avait jamais mis les pieds dans une ESN, un comité exécutif sans expérience industrielle, des sociétés de conseil grassement payées pour faire du coupé-collé de stratégies qui n’ont jamais eu l’effet escompté *.
Si le groupe Atos résiste encore à la tempête entretenue par ses dirigeants, qu’on ne s’y trompe pas, c’est grâce à vous.
La CFE-CGC , le syndicat du groupe ATOS