Repousser le mur de dette
Situation de départ
Presque 4,9 milliards de dettes « actuelles » + 800 millions de « financements intérimaires » obtenus en 2024 pour attendre que le plan de refinancement soit mis en place.
Devenir de la dette actuelle :
- Une partie est à convertir en capital : €2.9 milliards ne seront plus à rembourser. La valeur des actions actuelles sera très fortement diluée du fait de la création de nouvelles actions pour les créanciers.
- Une partie est à « réinstaller » : €1.9 milliards sont à réemprunter avec de nouvelles conditions et de nouvelles maturités. Le mur de la dette est repoussé puisque seuls les intérêts sont à rembourser pendant 5 ans, mais comme les conditions seront bien moins bonnes, les intérêts vont peser très lourd.
Devenir du financement intérimaire :
- Le groupe sollicite de nouveaux financements à hauteur de €1.675 milliards (en supplément des 1,9 milliards « réinstallés »), avec le soutien des principaux créanciers financiers.
- Le financement intérimaire sera remboursé grâce à ces nouveaux financements (~800M€ dont les 50 M€ généreusement prêtés par l’état français)
Le reste (~800 millions) servira à alimenter les caisses.
La mise en œuvre complète de cette restructuration financière, qui comprend plusieurs augmentations de capital, est prévue d’ici fin 2024.
Plus d’infos sur le site institutionnel d’Atos : Restructuration Financière – Atos
Pendant 5 ans, Atos devra donc impérativement rembourser tous les ans les intérêts de ses dettes (en centaines de millions d’euro).
D’ici 2029 Atos va devoir trouver des leviers pour, au mieux, rembourser ses dettes à l’échéance ou, plus probablement, pour pouvoir les refinancer (les racheter à nouveau).
Attention aux fausses bonnes idées pour optimiser la trésorerie. L’excès de « cost-killing » pourrait bien être mortifère !
Réorganiser le groupe autour de holdings financières
C’était bien prévu dans le plan de refinancement de plus de 500 pages mais l’annonce dans les CSE a tout de même surpris. Une partie des filiales actuellement détenues par ATOS SE vont devenir propriété d’une holding néerlandaise qui possède déjà une partie des filiales étrangères.
Mais pourquoi donc ?
La seule et unique raison est que les créanciers qui acceptent de refinancer Atos ont exigé de disposer d’un moyen simple d’exercer leurs garanties en cas de défaut de remboursement par Atos.
Comme les prêts sont souscrits par la maison mère, Atos SE et que les garanties des créanciers ne peuvent pas être prises directement sur une société cotée en bourse (donc qui appartient à ses actionnaires).
C’est pourquoi, pour accorder de nouveaux prêts, les créanciers ont sollicité un ensemble de garanties sur des filiales du groupe Atos immatriculées dans plusieurs pays. Le mécanisme de « pack de sécurité » permet de gérer les conséquences d’un défaut de remboursement avec une juridiction unique pour mettre en œuvre leurs garanties.
C’est ce qui est appelé le Pack de Sécurité, qui requiert deux sociétés en coquilles vides en dessous d’Atos SE, domiciliées dans un pays agréé par les créanciers, sans autres créancier antérieur, dans une configuration « Mère/Fille », avec rattachement à la fille de toutes les sociétés qui servent de garantie. Ce type de montage serait un standard permettant de garantir des prêts accordés à une multinationale
Selon la direction, il n’y a pas d’impacts au-delà d’une simplification des démarches des créanciers pour activer leurs garanties en cas de défaillance. En particulier (réponses en CSE de juristes et fiscalistes Atos), les sociétés employeuses ne changent pas et sont socialement tenues par la législation locale ce qui expliquerait l’absence d’impact social. De plus, selon la direction Atos SE reste domicilié en France et il n’y aurait aucun impact sur la fiscalité.
Vendre des actifs ?
En théorie le plan de refinancement ne requiert pas de vendre d’actifs mais nous avons de sérieux doutes sur le niveau de cash dont Atos disposerait sans ventes d’actifs.
A ce titre il y a toujours deux périmètres envisagés à la vente avec des conséquences importantes pour la France:
- Worldgrid : vertical Energy & Utility qui délivre notamment le contrôle des centrales nucléaires. Le projet est en passe d’aboutir (voir article suivant)
- BDS « souverain » : qui correspond à peu près aux activités du groupe Bull quand Atos en a fait l’acquisition (HPC + Mission Critical System + Cyber produits).
Rien ne filtre actuellement mais tout le monde semble se préparer à la vente de ces activités stratégiques. En particulier, ce qui ne concerne pas ces activités a été sorti du périmètre organisationnel de BDS (notamment Cybersécurité services).
La sale manie de vouloir dépecer le groupe n’a malheureusement pas disparu …
Déjà dit mais visiblement pas assez pris en compte : Pendant 5 ans, Atos devra impérativement rembourser tous les ans les intérêts conséquents de ses dettes. Encore faudra-t-il disposer d’activités rentables sur les rares secteurs d’activités en croissance !!!
Naturellement, si le Security Pack venait à être utilisé par les créanciers, c’est que la situation serait déjà plus que catastrophique ….
Loi de Murphy ou LEM |
« S’il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette voie. »